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Que faire si mon enfant harcèle les autres ?

Le conflit fait partie de la vie scolaire d’un enfant. Qu’il aime ou non l’école, un élève est immergé dans une communauté qu’il n’a pas choisie. Les sources de désaccord et de conflit sont donc multiples et permanentes. Un enfant qui n’a aucun conflit à l’école est aussi inquiétant que celui qui en a quotidiennement. Un jour ou l’autre, chaque parent est confronté à la responsabilité de son enfant dans un ou plusieurs incidents scolaires. C’est le moment de poser ou reposer un cadre parental. Mais il ne faut pas se tromper de problématique.

Comment différencier harcèlement, moquerie et fâcherie ?

Même si elle n’est encore pas suffisamment connue par tous, la définition du harcèlement scolaire est correctement médiatisée. Cet article sur le site de PedagoJ décrit clairement ce phénomène. Je n’y reviendrai donc pas en détail. Retenons juste que le motif principal du harceleur est un besoin de domination et qu’il choisit sa victime pour sa différence mais surtout pour sa vulnérabilité. Harceler, c’est donc brimer moralement ou physiquement une autre personne qui n’a pas les moyens de se défendre de manière systématique. On voit que cette définition ne couvre pas tous les incidents dans la cour de récréation, loin s’en faut. Il existe d’autres types de conflits. 

La moquerie est l’expression d’une discrimination. C’est le fait d’opérer une distinction concernant une personne sur la base de son origine sociale, sa religion, son genre, son intelligence, etc. Parce qu’elle est le creuset social par excellence, les motifs de discrimination sont infinis à l’école. Un enfant se moque principalement parce qu’il est perturbé par ce qui le différencie de l’autre : son image, son attitude, ses résultats. 

Conflit de bas niveau, la fâcherie est un incident du quotidien. Fréquemment causés par la frustration ou la contrariété, ces conflits donnent souvent lieu à des mots qui vont faire mal, volontairement, et le plus souvent, sur la base du physique ou de la réussite. Mais il ne s’agit pas d’un rejet de l’autre parce qu’il est différent, parce qu’il fait peur ou qu’il questionne l’ordre des choses.

Bien nommer pour bien comprendre

En lisant le descriptif de ces niveaux de conflit, on comprend aisément qu’ils n’appellent pas la même réponse de la part des adultes qui encadrent l’enfant. Avant de détailler les pistes, j’attire d’abord l’attention sur une étape importante de la résolution du conflit. Pestez, grondez mais parlez, échangez, verbalisez. Il est important de mettre des mots sur les actes et sur les émotions pour envoyer le signal qu’on ne banalise pas ce qu’il vient de se passer.

L’enfant a besoin du parent pour caractériser son écart de conduite : pourquoi a-t-il agi ainsi et quelle règle a-t-il enfreint ? Et si le dialogue est bien installé : comment se sent-il, à froid, avec ce qu’il a fait ?  Toutes ces indications sont très précieuses pour la suite. Accompagné par un parent qui cherche à comprendre avec lui les faits, l’enfant se forge une autonomie émotionnelle dont il aura lui-même besoin en tant qu’adulte.

C’est dans le cheminement personnel de nos erreurs qu’on apprend à ne plus les faire. Ça et la réponse de la communauté dont nous faisons partie.  Si votre enfant a mal agi dans un conflit du quotidien, c’est dans la cause de la fâcherie que réside la solution pour apaiser la situation. Votre expérience et votre parole avisée de parent suffiront certainement à dénouer le noeud du conflit. Si nécessaire, l’enseignant de votre enfant ou le CPE de l’établissement pourra vous y aider par une séance de médiation, voire de médiation par les pairs.

Comment expliquer à un enfant qui se moque ?

Nous l’avons vu plus haut, la moquerie est un rejet de la différence de l’autre. Pour trouver le chemin de la résolution d’un conflit de ce type, faisons un rapide détour en psychologie. La vie en collectivité provoque chez l’être humain un besoin de se positionner au sein du groupe, quel qu’il soit : familial, amical, professionnel, social. C’est le mécanisme de comparaison sociale qui nous permet d’estimer notre “valeur”, de nous démarquer des autres, de construire notre identité, notre altérité. 

Comme l’explique très clairement ce court article dans Sciences Humaines, nous utilisons la comparaison latérale avec un groupe ou une personne que l’on juge proche de soi pour confirmer notre place dans le monde. Pour des raisons liées à son âge — le besoin de plaire durant l’enfance, le besoin d’identité propre dans l’adolescence — l’élève se compare très régulièrement avec les autres à l’école. 

La discrimination relève de cette comparaison. Parce que l’autre est différent, il questionne mon être dans ce qui me caractérise : mon genre, mon image, mon appartenance culturelle, mes performances.

L’enfant qui se compare développe souvent une mésestime de soi

Quand l’enfant se compare, pour peu que le résultat soit en sa défaveur, trois issues sont possibles : l’acceptation, la dépréciation et le rejet.  La dépréciation développe la mésestime de soi et le rejet provoque la discrimination.  Un enfant qui se moque est donc dans la position de celui qui se compare et qui n’aime pas le résultat. J’ajouterai que cet enfant ressent également peu d’estime pour lui-même et surtout, qu’il est saisi d’une peur. Celle d’être rejeté lui-même parce qu’il est différent.

Dans ma carrière, j’ai toujours pris soin de comprendre les motivations des enfants qui agressaient les autres. Ce n’était pas pour leur trouver des circonstances atténuantes ou pour les plaindre. J’ai toujours été convaincu que la méchanceté n’est pas un penchant naturel à cet âge-là. Chaque fois, quand le mal-être n’était pas trop profond ou ancré psychologiquement, une discussion basée sur les ressentis et les émotions m’a permis de faire ressortir les raisons du comportement.

A partir de là, il a très souvent été possible de déconstruire un peu l’angoisse intérieure. Surtout, quand on s’intéresse à l’histoire de celui qui se moque ou qui agresse, on fait appel à son empathie, canal essentiel d’éducation, et on limite les risques de représailles.

Faire cesser les moqueries

Le rôle du parent d’un enfant qui se moque régulièrement des autres est en premier de sécuriser l’opinion que son enfant a de lui-même. On prend trop souvent pour acquis que nous aimons nos enfants comme ils sont et qu’ils le savent. Hélas, les signaux extérieurs de l’école, du groupe de copains, du reste du monde sont très nombreux et très puissants pour leur faire croire qu’en réalité, ils peuvent être facilement rejetés tel qu’ils sont.  La réassurance n’est pas de trop, surtout quand votre enfant est responsable d’un acte de moquerie ou de discrimination.

Ensuite, tous les discours humanistes sur l’égalité des droits de l’Homme seront les bienvenus parce qu’ils réaffirment l’appartenance de tous à la même espèce et au même destin de vie.  Enfin, et l’école aidera toujours en ce sens, assumer avec lucidité et sincérité la fantastique diversité des humains est de nature à rassurer sur la place de chacun, et notamment de celle de l’enfant dans ce monde si vaste et si multiple. 

En résumé : tous les Hommes sont égaux en droits malgré ce qui les différencie et ta différence fait de toi un membre de cette Humanité. Elle est donc aussi acceptable que celle des autres. Même si on s’approche des conditions du harcèlement, un enfant qui se moque souvent des autres n’est donc pas obligatoirement un harceleur.

Eduquer l’enfant qui harcèle

Répétons-le ici : l’enfant qui harcèle est celui qui use de violence physique, morale ou verbale de manière répétée sur une victime incapable de se défendre quelle qu’en soit la raison.  La résolution d’un cas de harcèlement scolaire caractérisé fait l’objet d’un protocole institutionnel très codifié dont tous les directeurs ou chefs d’établissement ont connaissance. L’objet de cet article n’est pas de le détailler. Mais le rôle du parent d’un enfant harceleur est majeur dans la résolution et il mérite d’être décrit et décrypté. 

Ma première recommandation est de prendre la situation avec recul et lucidité. Aucun responsable d’établissement ne s’engagera dans la procédure disciplinaire sans avoir consulté ses personnels et constitué un dossier précis de faits et de témoignages. Dans le cas contraire, être accompagné par des représentants de parents d’élèves pour ne pas faire face seul est primordial.  Si votre enfant est impliqué dans un cas de harcèlement scolaire, il a plutôt besoin de vous comme repère que comme avocat. “Je désapprouve ton comportement mais je suis à tes côtés pour t’aider à comprendre et à ne pas le refaire.”

La littérature sur le profil des acteurs du harcèlement, victime, spectateurs et harceleur, est abondante. En ce qui concerne ce dernier, résumons à ceci : contrairement à l’image qu’il projette, le harceleur est en souffrance d’un traumatisme qu’il n’a jamais exprimé. Qui n’a donc jamais été résolu. Soyons clairs : c’est le rôle d’un professionnel en psychologie que d’explorer le chemin qui mène à l’expression de ce traumas. Mais il faut faire le travail dans l’ordre. En premier, la justice doit passer car elle porte en elle le regard de la communauté sur l’acte.

Ne pas s’en tenir à la répression

Nous savons que la sanction est structurante car elle pose la limite pour l’avenir. Le harceleur doit affronter la décision avec ses parents à ses côtés. Il est auteur de ses actes et sa famille doit l’aider à accepter le caractère constructif de la sanction disciplinaire.  Dans un second temps, on appliquera une période de résilience. Certes, l’enfant doit assumer ses actes, mais une fois la sanction effectuée, il est en droit de retrouver sa position sociale. Pour ne plus être un harceleur, il faut aussi pouvoir rependre sa place dans le groupe. 

Enfin, pour achever le processus, il faut poser un acte de réparation : une activité commune avec la victime.  J’ai dû faire face à de nombreuses réticences dans ma carrière concernant cette dernière étape, aussi bien de la part des parents que des professionnels. Mais je persiste parce qu’à chaque fois, l’issue a été favorable pour tous.

L’empathie est la clef pour accompagner le harceleur

Le harceleur retrouve le respect de l’autre dans la ré-instauration de son empathie. Il doit pouvoir se comparer à son ancienne victime et poser l’égalité de dignité entre eux. Pour cela, le harceleur doit passer du temps avec elle dans des conditions banales (avec un adulte régulateur) pour rétablir la capacité de ressentir les émotions de chacun.

Nous avons chacun souffert indépendamment mais il y a aussi des manières de passer des moments agréables sans se faire du mal.  Pour la victime, le processus doit aider à dépasser le traumatisme du harcèlement et retrouver son statut social au-delà de son passé de victime. Ne pas lui offrir cette opportunité, c’est la condamner à rester dans sa situation pour de nombreuses années. Nous savons à quel point les procédures judiciaires sont attendues par les victimes pour confronter leurs bourreaux. L’acte de réparation relève du même mécanisme de résilience. 

Je le rappelle ensuite : le harceleur doit également entamer un suivi pour pointer l’élément traumatisant à l’origine de son comportement. Aller jusqu’au bout de la résolution du harcèlement est très important. Pour que le harceleur abandonne cette manière de se valoriser aux dépens de l’autre. Pour que la victime dépasse le traumas du harcèlement car on sait qu’une victime fait un très bon harceleur plus tard. 

C’est un moment difficile pour les parents mais leur engagement est la clef de la réussite du processus de résolution. Souvent l’école s’arrête à la sanction. Parfois, elle pose l’acte de réparation. Mais elle n’emmènera jamais votre enfant chez un psychologue.

La place du parent et la place de l’école

L’école est un modèle réduit de société. Depuis son entrée dans le droit commun dans les années 2000, elle a aussi son propre modèle réduit formel de système judiciaire. La résolution d’un conflit fait donc intervenir tous les acteurs dans leur rôle respectif. Celui de l’école est de fournir la réponse de la communauté et de transmettre le sens de l’intérêt général quand l’enfant est un être fortement individualiste à la naissance. 

La structure de l’école et l’expérience de ses personnels apportent le cadre structurant de la vie collective, ses règles et ses sanctions. Mais elle ne peut pas représenter l’univers sécurisant de la famille. C’est aux parents que revient ce rôle. Quand l’enfant est auteur de mauvais traitement, la parole du parent est ce qu’il a entendu depuis toujours. Les valeurs familiales comme le respect de l’autorité, le refus de la violence, l’égalité de tous en dignité apportent un terreau pour se faire grandir. La position des parents guidera d’autant plus l’enfant qu’elle sera en cohérence avec celle de l’école. 

Qu’il s’agisse de fâcherie, de moquerie ou de harcèlement caractérisé, la collaboration du familial et du collectif est primordiale. Elle doit fournir une réponse rigide, lisible et bienveillante à l’enfant. L’enfant découvre peu à peu l’immensité et la complexité du monde dans lequel il est obligé de trouver sa place. Les parents et l’école doivent décrire ensemble une manière de vivre rassurante. L’erreur de comportement est un appel de l’enfant pour obtenir une réponse qui l’aide à se trouver. Et quelle qu’en soit la nature, au sein de l’école, elle reste ceci : une erreur à laquelle il faut collectivement répondre.

Le parent n’est pas fautif. Passées la déception et la colère, il a la responsabilité de fournir explicitement son système de valeurs familiales pour compléter celui de l’école. Nous savons tous que c’est plus facile de le dire que de le faire. Mais s’y préparer, c’est déjà faire la moitié du chemin. Puisse ce texte vous y aider.

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