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Certains zèbres se cachent pour s’émouvoir

Dans de précédents articles (ici et ici), nous avons vu ce qui peut constituer un retrait émotionnel chez les profils à Haut Potentiel et pourquoi il s’agissait d’une forme de protection. Pour permettre de percevoir comment cette posture s’exprime dans le quotidien, les témoignages de HP en retrait émotionnel sont un reflet du vécu. Ceux que je vous présente ont été recueillis lors d’échanges sur les réseaux sociaux, de séances de suivi et de rencontres personnelles. Regardez comment certains se cachent pour s’émouvoir.

Installer une distance pour se protéger

La distance avec les ressentis du quotidien ressort presque toujours en premier quand on évoque le retrait émotionnel. A quoi ressemble ce détachement vu de l’extérieur ? A du sang-froid, à de la maîtrise de soi dans des situations de stress extrême, à une forme de flegme impassible. Voilà pour le côté positif. Mais cette attitude attire aussi les critiques. “Froid“, “sans cœur“ et “cynique“ font également partie du lot de commentaires qu’une personne en retrait émotionnel provoque.

Pourtant, si montrer un visage sans émotion paraît inhumain en certaines circonstances, il s’agit bien d’une protection pour ne pas être submergé par les ressentis. Beaucoup de témoignages parlent d’une “bulle” dans laquelle chacun se réfugie :

photo of man wearing hooded jacket in front of body of water

« Je préfère rester dans ma bulle quand les émotions sont trop intenses pour moi. Je me coupe des émotions des gens, je ne veux pas prendre avec moi ce qui ne m’appartient pas. »

Certains évoquent le retrait comme un processus conscient même si, le plus souvent, c’est plutôt un réflexe qui ne se contrôle pas.

« Je passe de tout à rien en l’espace de pas grand chose et pour des raisons obscures. »

Ce témoignage résume très bien ce mouvement de mise en retrait : « A l’image de notre corps qui s’évanouit lorsqu’une douleur est trop forte. »

Un rocher au milieu de la mer

Chacun se crée cet endroit en lui ou en elle pour ne pas être en contact direct avec les émotions qui arrivent. J’ai souvent l’image d’un promontoire rocheux au milieu d’une étendue d’eau, une petite île où se réfugier dans une mer de ressentis. Mais détrompez-vous, ce n’est pas un endroit aride car il s’y passe beaucoup de choses.

« Je me réfugie en public, pour me protéger quand je reçois une émotion négative forte. Je suis capable de faire semblant de sourire, d’être sans réaction alors que ça bouillonne dans mon cerveau. »

person sitting on rock on body of water

Cette ébullition provoque parfois une expression faciale que les autres peuvent trouver inadaptée.

« Je ressens cette distance très clairement lorsqu’il s’agit d’événements bien trop durs à gérer émotionnellement. Ça peut même générer chez moi l’effet inverse : je suis capable de sourire lorsqu’on me raconte un fait terrible. »

Personnellement, j’ai eu le malheur d’avoir un rictus de protection face à mon supérieur hiérarchique pendant une remontée de bretelles mémorable. Il l’a très mal pris, croyant que je souriais et que je prenais l’instant à la légère. Mais, face à son agressivité et au flot d’émotions fortes, je suis rentré en moi-même et mon visage figé était une manière de garder la face.

Ce masque porté en public est connu pour être un “faux-self”, concept développé par Donald Winnicott, pédiatre et psychologue britannique au début du XXè siècle. Vous serez tentés de regarder la fiche Wikipedia pour le faux-self. Je vous conseille plutôt l’article sur le site “Rayures et ratures”, clair sur ses implications et ses risques.

Peut-on vraiment ne pas ressentir d’émotion ?

Le détachement émotionnel permet de se retirer du contact des ressentis pour se protéger. Mais il arrive également qu’en retour, on ne ressente rien. L’émoussement affectif est une diminution voire une absence de réactions affectives. Dans son article sur les troubles de l’émotion, Aurélie Pasquier, maître de conférence en psychologie clinique à Aix-en-Provence, lui donne le statut de stratégie adaptative : « une façon de se protéger contre des émotions négatives pour moins souffrir »

Mariah explique le mécanisme qui provoque l’absence d’émotions chez elle : 

« Bien que je sois hypersensible, on me demande souvent à quoi je pense étant donné que je parle peu et suis très distante. J’intériorise énormément. En fait, j’anticipe beaucoup les réactions des autres pour éviter d’avoir des ressentis. »

Dans le livre qui a mis en lumière l’hypersensibilité, « Ces gens qui ont peur d’avoir peur », Elaine Aron, parle de ce procédé d’anticipation pour ne pas être surpris par les réactions en face. Mais, comme l’évoque Mariah, c’est une source immense de peur qui peut provoquer un retrait émotionnel chez une Haut Potentiel voire une absence de réaction en retour.

L’émoussement affectif est donc peut-être davantage un blocage des émotions qu’un véritable vide de ressentis. Les émotions sont immédiatement enfouies pour ne pas souffrir et pour ne pas avoir peur tout le temps.

Est-ce une question d’éducation ?

A quel moment cette stratégie apparaît-elle dans notre parcours ? Dans mon premier article sur le retrait affectif, j’ai évoqué l’hypothèse de premiers signes de retrait dès la prime enfance face à la peur, la tristesse ou le stress. Plusieurs témoignages évoquent aussi l’adolescence comme période d’apparition de ce mode de protection.

« Au collège, j’ai réalisé vers la 4ème que ceux que je prenais pour des copains me toléraient pour pouvoir se foutre de moi, alors j’ai passé beaucoup de temps seul dans mon coin. »

La pression sociale, notamment à l’école, et l’environnement culturel sont des facteurs évidents à l’origine du retrait émotionnel. Pour toutes les raisons que j’ai évoquées précédemment. Néanmoins, l’éducation familiale y a également une part importante. 

« Je ne montre aucun signe d’affection, surtout avec ma famille vu qu’on ne m’a jamais appris à vivre avec mes émotions. »

Certains témoignages sont clairs : il faut éduquer les enfants à identifier leurs émotions ! Que vous soyez ultra-sensibles ou simplement très sensibles, l’entourage familial joue un rôle primordial dans la validation de vos émotions et, encore plus fortement, dans l’expression de vos ressentis. Tous les stéréotypes de genre et les représentations sociales agissent à plein dans la possibilités offerte ou pas aux enfants d’assumer leurs émotions en famille et en public.

Ce n’est donc pas une surprise si certains en viennent à réfréner leurs émotions et ne savent finalement plus mettre des mots pour en parler. C’est l’alexithymie, une absence de “symbolisation des affects” qui produit un discours souvent tiède quand il s’agit de parler de ses ressentis.

Un processus invisible mais réel qui touche fortement les HP

Le retrait émotionnel est un phénomène difficile à comprendre quand on ne le vit pas. Chacun a certainement déjà expérimenté de se recroqueviller sur soi dans un coup dur. Mais, nous l’avons vu, le retrait est une véritable stratégie de protection qui peut intervenir même inconsciemment, comme un réflexe.

Les témoignages traduisent la réalité de cette manière de gérer ses émotions : un retranchement pour s’éloigner des ressentis trop forts, trop pénibles, et éviter de souffrir comme cela peut arriver dans l’enfance ou l’adolescence.

Dans tous les cas, le retrait émotionnel n’est pas un vide d’émotion, bien au contraire. C’est le signe que les émotions ressenties sont intenses, trop même. Les personnes avec un profil à Haut Potentiel, ultra-sensibles ou non, reçoivent beaucoup d’informations de leur environnement. Ils sont donc assaillis d’émotions. ils sont également souvent sujets à un déficit d’inhibition latente : ils filtrent moins bien la quantité de stimuli dans le cerveau. 

Dans de nombreux cas, le retrait émotionnel peut devenir une solution pour un Haut Potentiel afin d’éviter d’être submergé. Cela permet également de se protéger de souffrance multiples. Ce n’est pas du cynisme, ce n’est pas de l’arrogance ou du dédain. C’est une stratégie adaptative de protection.

Pour conclure cet article sur les témoignages, la magnifique phrase de Paul résume parfaitement ce que vivent les profils à Haut Potentiel en retrait émotionnel :

« Certains zèbres se cachent pour s’émouvoir. »

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